Tournée africaine d’Emmanuel Macron : tenterait-il d’effacer les traces néfastes laissées par son ministre Le Drian ?

Par Brandy MAMBOUNDOU / 25 juil 2022 / 0 commentaire(s)
Emmanuel Macron changera-t-il l'opinion des Africains vis-à-vis de la France officielle?

Le président français commence un périple africain cette semaine. Une villégiature qui serait loin d’être une partie de plaisir. Puisqu’il faut à tout prix réchauffer les relations franco-africaines qui sont très mauvaises en ce moment, même si les discours politiques et diplomatiques veulent faire croire autre chose.

La diplomatie a certainement du plomb dans les ailes depuis les débuts du premier mandat d’Emmanuel Macron. Son ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a fortement contribué à ce climat délétère entre plusieurs dirigeants africains et l’Hexagone. En ce début de mandat, Emmanuel Macron se voit obligé d’entamer rapidement une visite à grande connotation politique et économique en Afrique. La guerre en Ukraine aidant, la France a tout intérêt à resserrer ses liens avec ses anciennes colonies africaines. Surtout, au moment où certains d’entre eux voudraient s’affranchir de l’emprise néocolonialiste, dont Jean-Yves Le Drian se faisait volontairement le porte-voix, en allant se confiner sous l’aile protectrice de la Reine Elisabeth II. Cette visite constitue donc une opportunité pour la « macronie » de tenter un endiguement sur le sentiment antifrançais qui évolue de façon exponentielle dans toute l'Afrique, en corrigeant les énormes erreurs commises par sa diplomatie vexante lors de son premier mandat.

Certes, les questions sécuritaires seront principalement abordées avec certains présidents africains dont les pays sont sous la menace des mouvements Djihadistes, principalement dans la partie sahélienne et ses voisinages. Au Cameroun, Emmanuel Macron devrait jouer franc-jeu avec le vieux dinosaure Paul Biya, dont le récent rapprochement avec la Russie, avec la signature des accords de défense qui ont été ratifiés, est un signe d’une certaine lassitude de la politique française en Afrique. Et comme le disait le fondateur de la cinquième République française, le général Charles De Gaulle : « Il vaut mieux avoir une méthode mauvaise que ne n’en avoir aucune ». Emmanuel Macron voudrait donc tenter une méthode de rapprochement avec ses anciens « obligés ». L’Afrique centrale est la principale source énergétique française. Une politique plus flexible avec ces nations devrait être la méthode conseillée. Et ce n’est pas fortuit si la présente tournée débute par le Cameroun, la locomotive économique de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centre (CEMAC).

Macron se trouve devant un dilemme

Le véritable danger de cette méthode est le sentiment des Africains francophones contre l’onction de l’Elysée aux pouvoirs dictatoriaux dans ces pays. Macron se trouve devant un dilemme et une métaphore de l’ancien président gabonais Omar Bongo : avoir le sel dans une main et de l’huile dans l’autre, lequel de ces produits faut-il sacrifier pour chasser la mouche sur le nez ? D’un côté, les chefs d’Etat francophones qui menacent de tisser des relations avec d’autres Etats autres que la France, si l’Elysée ne satisfait pas leurs inclinaisons monarchiques. Et de l’autre, des peuples qui voudraient définitivement se débarrasser de régimes préjudiciables pour le développement de leurs pays.

C’est certainement devant cette alternative impossible à résoudre au Gabon qu’Emmanuel Macron a donc décidé de faire une croix sur l’étape de Libreville. Selon les informations sur la politique actuelle du Gabon, Macron ne voudrait pas se retrouver à la place de François Mitterrand en 1989, lors de sa visite en Roumanie, une visite qui avait activé ce qui sera appelé plus tard le « vent de l’Est », qui a précipité Nicolae Ceausescu, le président roumain, de son fauteuil en décembre de la même année. Le climat politique gabonais étant des plus sulfureux, la période serait très mal choisie pour s’adonner à « une loterie politique ». D’un côté une population brisée, humiliée et dont le seul souhait serait de mettre fin à un régime qui ne peut plus rien promettre. De l’autre côté, ce même régime qui menace de se trouver un autre tuteur, le Commonwealth, auquel il promet toutes les ressources naturelles. A commencer par sa forêt, où un ministre britannique a d’ores et déjà procédé à une occupation totale. L’acharnement actuel de l’accélération de la déforestation, où les grumiers sont désormais les maîtres des routes à travers le pays, est la preuve immuable d’une mise aux enchères du Gabon.

Se soustraire d’une tyrannie monétaire imposée par le franc CFA

Au Bénin, le président Patrice Talon tient, plus que tout autre, à la création d’une monnaie dans la zone CEDEAO, pour se soustraire d’une tyrannie monétaire imposée par le franc CFA. Une prévision qui mettrait dangereusement fin à la toute-puissance de la France sur les pays francophones d’Afrique. Une visite chez le turbulent président de la CEDEAO, Umaro Sissoco Embalo, dont le pays, la Guinée Bissau, même n’étant francophone, a pour monnaie le franc CFA, devient un impératif. Ce président imprévisible, dont la virulence de langage est connue, pourrait abréger cette échéance de fin de CFA en Afrique de l’Ouest. Ses accointances avec le président, Muhammadu Buhari, à la tête du géant Nigeria, première économie continentale et principale tête de proue de la CEDEAO, pourrait être très fatale à la politique économique française. Ce qui enlève tout repos à l’activisme du président ivoirien, Alassane Ouattara, dont la politique pro-élyséenne n’est qu’un secret de Polichinelle. Un activisme francophile qui fait de lui, « le préfet de la France en Afrique », selon certains opposants ivoiriens et même plusieurs de ses homologues de la sous-région.

Cette pérégrination africaine d’Emmanuel Macron est donc tout sauf une tournée de plaisance. Le déplacement de Macky Sall en Russie, n’ayant jamais révélé les accords signés en le président Ouolof et Vladimir Poutine, Emmanuel Macron devrait donc marcher sur des œufs. Exit donc les fêtes de réjouissances qui ont toujours accueilli les présidents français sur le sol africain. Place à une diplomatie pointilleuse, dont le succès n’est guère un acquis. Le passage de Jean-Yves Le Drian à la tête de la diplomatie française laisse des empreintes indélébiles, qui pourraient mettre fin à la présence française en Afrique. Emmanuel Macron devrait donc jouer-serré pour éviter une telle déchéance pour le pays de la Fraternité.

Brandy Mamboundou

Article du 25 juillet 2022 - 2:09pm
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