Willy Ontsia : « Ce nouvel emprunt obligataire de l’Etat gabonais a donc pour objectif de juguler le risque de défaut de paiement du pays sur les marchés financiers en 2024 »
Ainsi explique cet analyste-financier qui estime par ailleurs que « les capitaux levés par ce nouvel emprunt de l’Etat gabonais n’arriveront même pas au Gabon mais iront directement sur les comptes extérieurs de nos créanciers basés à l’étranger ». En empruntant 458 milliards de Fcfa sur les marchés financiers, le Gabon remboursera, sur 10 ans, 778 milliards Fcfa soit plus 320 milliards Fcfa au titre des charges d’intérêt sur cette période. Echec ou succès ? A chacun de voir…Ainsi explique cet analyste-financier qui estime par ailleurs que « les capitaux levés par ce nouvel emprunt de l’Etat gabonais n’arriveront même pas au Gabon mais iront directement sur les comptes extérieurs de nos créanciers basés à l’étranger ». En empruntant 458 milliards de Fcfa sur les marchés financiers, le Gabon remboursera, sur 10 ans, 778 milliards Fcfa soit plus 320 milliards Fcfa au titre des charges d’intérêt sur cette période. Echec ou succès ? A chacun de voir…
Gabonclic.info : En tant qu’analyste financier, quelles sont, d’après vous, les réelles motivations de ce nouvel emprunt de l’Etat gabonais ?
Willy Ontsia : Il faut savoir que le pays doit faire face au remboursement d’un emprunt international contracté en 2013 pour un montant en capital restant dû de 420 milliards Fcfa dont l’échéance de remboursement est prévue en 2024, c’est-à-dire immédiatement après l’élection présidentielle de 2023.
Anticipant que l’élection présidentielle de 2023 pourrait être porteuse de troubles socio-politiques majeurs qui pourraient affecter la signature du pays et accroître le risque pays en 2024, date de remboursement de l’emprunt 2013, le 17 novembre 2021, le gouvernement a émis un nouvel eurobond pour solder l’emprunt obligataire souscrit en 2013 dont le remboursement était prévu pour l’année 2024.
Ce nouvel emprunt obligataire de l’Etat gabonais a donc pour objectif de juguler le risque de défaut de paiement du pays sur les marchés financiers en 2024, et ceci en reportant le remboursement de l’eurobond 2013 prévu en 2024 à l’année 2031 grâce à ce nouvel d’emprunt obligataire levé en 2021.
Fallait-il procéder de cette façon ?
En termes de planning, je pense que le gouvernement à raison d’agir maintenant pour bénéficier de meilleures conditions de prêt que celles escomptées en 2023 et 2024 afin de garantir la crédibilité extérieure du pays quelle que soit l’issue des échéances électorales à venir.
Quelles seront concrètement les retombées de cet emprunt pour l’économie gabonaise ?
Ce nouvel emprunt obligataire, levé par l’Etat gabonais sur le marché financier international, est une « opération à somme-nulle pour l’économie domestique » ; car l’essentiel des capitaux levés par le gouvernement via cette nouvelle dette de 458 milliards Fcfa est destiné au remboursement des créanciers extérieurs qui avaient souscrit à l’emprunt obligataire 2013 dont le remboursement était attendu pour l’exercice 2024.
De ce fait, les capitaux levés par ce nouvel emprunt de l’Etat gabonais n’arriveront même pas au Gabon mais iront directement sur les comptes extérieurs de nos créanciers basés à l’étrangers.
Par conséquent, ce nouvel emprunt n’aura qu’un effet d’entraînement très limité sur l’économie gabonaise en termes de développement et de croissance du PIB réel.
Quel est le coût de cet emprunt pour les finances publiques du Gabon ?
D’après les caractéristiques de ce nouvel emprunt rémunéré au taux d’intérêt de 7 % l’an et amortissable sur une durée de 10 ans, il ressort que cette opération d’endettement nécessitera pour son remboursement la somme de 778 milliards Fcfa sur dix ans dont 458 milliards Fcfa en amortissement du capital remboursable en 2031 plus 320 milliards Fcfa au titre des charges d’intérêt sur dix ans (soit 32 milliards Fcfa de frais financiers par an).
Les conditions d’endettement obtenues par l’Etat gabonais pour ce nouvel emprunt sont-elles favorables ?
En raison de l’incapacité de l’Etat à rembourser l’ancien emprunt de 2013 à partir de ces fonds propres mais par recours à un nouvel endettement en 2021, compte tenu des incertitudes politiques, vu la crise économique et sanitaire mondiale, les investisseurs internationaux ont jugé plus élevé le risque pays du Gabon sur une maturité de 10 ans.
Par effet domino, le nouvel eurobond émis par l’Etat gabonais a enregistré un durcissement des conditions d’emprunt avec une hausse du taux d’intérêt accordé soit 7% pour le nouvel emprunt 2021 contre 6.3% pour le précédent. Le coût financier de ce nouvel emprunt sera donc plus lourd pour les finances publiques.
Ce nouvel emprunt obligataire de l’Etat gabonais sur le marché financier international, est-il un échec ou un succès ?
Sur le plan de la levée de fonds, cette opération d’emprunt obligataire de l’Etat gabonais sur le marché financier international est une réussite car l’opération a été bouclée et souscrite à plus de 90 %.
Sur le plan de la gestion de la dette publique, le succès de ce nouvel emprunt est mitigé car le stock de la dette augmente et le durcissement des conditions d’endettement va alourdir les coûts d’endettement du pays et, en même temps, entraînera une augmentation du poids de la dette publique sur les finances publiques. En ce sens, ce nouvel emprunt obligataire n’est pas vraiment un franc succès pour le pays.
Propos receuillis par Dess BOMBE
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